Berger d’Anatolie

Les origines du Berger d’Anatolie

Le Berger d’Anatolie, à l’instar des autres variétés molossoïdes de protection de troupeaux de différents pays eurasiatiques, est une fraction d’une population canine beaucoup plus vaste, qui jadis s’échangeait des gènes par le biais des grandes transhumances formant sur des milliers de kilomètres un continuum quasi ininterrompu. Cette population, du fait de l’évolution des pratiques pastorales, s’est ensuite fragmentée en isolats géographiques, ces cheptels dérivant cependant assez peu l’un de l’autre, ancrés sur leur sélection utilitaire commune ; voilà pourquoi les chiens de protection de troupeaux arborent grosso modo le même phénotype, de l’Asie Centrale à l’extrémité de la péninsule ibérique.
A l’égard de ce phénomène fondateur, le fait de savoir si les Turcs, en arrivant en Anatolie au Moyen-Age, y ont importé leurs propres souches, n’est pas un problème historique crucial, même si l’hypothèse est tout à fait probable. Nul doute qu’avant leur arrivée, des chiens de protection de troupeaux étaient de toute manière déjà en fonction dans ces contrées. L’Asie mineure et la Mésopotamie sont le lieu d’émergence du morphotype molossoïde (pour le moins au Vè millénaire avant J.C), dont la spécialisation fonctionnelle et anatomique correspond à l’usage de protection des troupeaux et des biens.

Berger d'Anatolie
Varlik Kisham des Shumagins
Photo : © Sophie LICARI

Dans l’ensemble des contrées rurales d’Anatolie, le Berger d’Anatolie est encore une variété canine ancestrale, à un stade où se trouvait par exemple les chiens de berger européens il y a plus d’un siècle, avant la naissance de la cynophilie moderne. Cette situation est particulièrement précieuse par rapport à la préservation de la fonctionnalité. En Turquie, la population canine de travail n’est pas séparée par des barrières reproductives étanches ; le chien de protection de troupeau y possède un morphotype et une fonction homogènes, mais diverses caractéristiques secondaires en terme de couleurs ou de longueurs de poil, caractéristiques qui n’ont jamais fait l’objet d’un souci sélectif majeur pour les chiens de travail.
Les Anglais ont introduit la race en Europe dans les années 1960. Reconnue par la Fédération Cynologique Internationale, elle est sous sa tutelle directe. L’élevage français a démarré à la fin des années 1980, avec des sujets anglais et d’autres importés directement de Turquie. Elle est encore rare en France, mais s’implante peu à peu dans nos alpages ainsi que dans nos DOM-TOM pour la protection des troupeaux face aux loups ou aux chiens errants.

Le standard

Le Berger d’Anatolie est un très grand chien : de 74 à 81 cm au garrot pour le mâle, 71 à 79 cm pour la femelle. Mais il ne doit arborer aucune lourdeur excessive.

« Puissant mais élancé, il arbore un bel équilibre qui lui permet d’être le plus athlétique de tous les molossoïdes de protection de troupeaux. »

Les membres à l’ossature robuste sont longs, la poitrine très profonde mais pas trop large, le ventre relevé, l’encolure dégagée ornée d’un léger fanon de peau lâche, la queue enroulée.

La tête doit présenter des traits molossoïdes, mais assez peu accusés; quelques critères de type sont importants : crâne et chanfrein larges mais sans excès, de même longueur, bien rectangulaires, placés sur des lignes parallèles et séparés par un stop peu accusé; oreilles tombantes implantées au niveau de la ligne de l’œil, plaquées sur les joues, plutôt petites par rapport au volume de la tête (en Turquie, les chiens de travail sont souvent essorillés au ras du crâne); yeux en amande, avec paupières serrées.

Berger d'Anatolie
Sokar Ourto des Shumagins,
mâle Berger d’Anatolie
Photo : © Sophie LICARI

Le standard reflète la variabilité naturelle du cheptel de travail turc, et certaines caractéristiques secondaires comptent peu; par exemple, l’absence ou la présence d’ergots postérieurs n’est pas un critère racial.

Le poil court, plus rarement mi-long, bien fourni de sous-poil en hiver mais beaucoup moins touffu en été, lui permet de supporter aisément tous les climats.

La couleur la plus fréquente, génétiquement dominante, est le sable, clair ou un peu plus roux, avec masque et oreilles noirs; on rencontre aussi le sable charbonnée, le pie (robe panachée de blanc), le blanc-crème sans masque, le bringé.

Le caractère et la fonctionnalité

Le Berger d’Anatolie est un chien de protection des troupeaux; il surveille les ovins et les bovins et les garde contre les prédateurs divers.
Son rôle est de demeurer en permanence auprès des bêtes, et de dissuader les menaces éventuelles de pénétrer dans le périmètre de sécurité formé par une clôture ou à défaut par la propre évaluation du chien; seulement si nécessaire, il affrontera directement le prédateur. Cet atavisme est très puissant, et le discernement avec lequel il l’exerce est remarquable : impitoyable envers les animaux sauvages susceptibles de s’attaquer au bétail, vis-à-vis de l’humain il se contente d’intimider pour empêcher un inconnu de pénétrer sur son territoire en l’absence de ses maîtres ou bien si ces derniers ne l’accueillent pas eux-mêmes.

Berger d'Anatolie
Chien de garde de troupeaux
Photo : © Sophie LICARI

C’est donc aussi un excellent chien de garde et de famille.
Franc, constant, très équilibré, il a un caractère affirmé nécessitant que le chiot soit bien cadré tout jeune, mais l’apprentissage de sa place hiérarchique ne fait aucune difficulté et n’est pas remise en question une fois inculquée.

Au niveau obéissance, il n’est pas hyper-malléable comme un chien de conduite de troupeau, mais plutôt souple et précoce pour un molosse. Avec une éducation classique, correctement menée, il montre d’excellentes qualités comportementales, doux avec les enfants, docile et affectueux envers ses maîtres sans être collant.

Calme si rien ne le sollicite, il n’est cependant pas lymphatique et se montre très rapide s’il doit passer à l’action. Un maître sportif peut s’en faire accompagner en toutes circonstances, jogging, randonnée, vélo, promenade à cheval. Un terrain, dont la taille importe assez peu, où exercer ses talents de protecteurs, est indispensable à son équilibre. Il aboie dans le cadre exclusif de sa fonction protectrice. Il s’entend bien avec ses congénères; deux mâles peuvent même cohabiter s’il n’y a pas de femelle auprès d’eux. A l’extérieur du territoire, il se montrera paisible s’il a été soigneusement sociabilisé.

L’entretien et la santé

Berger d'Anatolie
Sokar Ourto des Shumagins, berger d’Anatolie de couleur sable
Photo : © Sophie LICARI

Le poil s’entretient très simplement, avec un coup de brosse de temps à autre, plus fréquent lors des deux mues saisonnière annuelles, seules périodes où le Berger d’Anatolie perd son poil.

La croissance est longue; le poids et l’apparence définitives ne sont pas atteints avant trois, voire quatre ans.

L’alimentation ménagère ou les croquettes industrielles conviennent.

C’est une race rustique. Elle n’a pas de fragilité digestive, pas de propension particulière à la torsion d’estomac, ni aux allergies, ni aux pathologies cardiaques ou oculaires. Comme chez la majorité des grandes et moyennes races, la dysplasie des hanches se dépiste par examen radiologique des reproducteurs.

La longévité est d’une douzaine d’années.

A noter

Le nom traditionnel de la race en Turquie est simplement « çoban köpegi » (chien de berger); le sable masque noir est aussi surnommé « karabach » (tête noire). Depuis quelque temps, le surnom de « kangal » est aussi employé, du nom d’une ville et d’un district d’Anatolie centrale, mais il ne s’agit en aucun cas d’une race différente.

La Turquie ne tient pas de livre d’origines officiel et n’est pas reliée à la Fédération Cynologique Internationale.
Les éventuels nouveaux reproducteurs importés du pays d’origine doivent donc faire l’objet d’une confirmation au LOF à titre initial pour intégrer les lignées reproductrices françaises. La race est présente, bien qu’en petits effectifs, dans de nombreux pays cynophiles.

Le Berger d’Anatolie est aussi bon compagnon que bon gardien et efficace chien de travail; mais ces qualités, à l’instar des autres fonctions confiées à l’espèce canine, n’ont pas été obtenues une fois pour toutes. Elles doivent faire l’objet à chaque génération d’une sélection rigoureuse sur la typicité du caractère et de la fonctionnalité. La démarche qualitative de l’éleveur est en ce sens particulièrement importante. C’est parce que le Berger d’Anatolie est un chien de travail qu’il peut être aussi un compagnon à l’exemplaire équilibre mental. Une mise en fonction réussie lorsqu’il s’agit d’un sujet de troupeau, une bonne éducation pour un sujet de famille et de garde, sont aussi des facteurs essentiels de satisfaction.

Chiots Berger d'AnatolieChiot femelle des Shumagins
© Sophie LICARI

Textes : © Sophie LICARI
Photographies :

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Elevage amateur des Shumagins
Sophie LICARI SophieLicari@aol.com
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